Triangles logique dialectique ethique de l'entrainement mental
 
 

ÉDUQUER APRÈS AUSCHWITZ

   
 



EDUQUER APRES AUSCHWITZ...Cette formule m’autorise à considérer que la question de l’éducation ne peut être posée, à nouveaux frais, QU’APRÈS celle d’Auschwitz. Aborder la question de l’éducation, certes, mais seulement APRÈS avoir appréhendé et pesé ce dont le réel d’Auschwitz fait signe.
Aussi, l’essentiel de mon intervention consistera-t-il en un essai de mise en évidence de quelques considérations à partir desquelles peut être élaboré ce à quoi et en quoi Auschwitz nous oblige. Non pas cet Auschwitz commémoré comme catastrophe inouïe - oeuvre de bourreaux survenus du néant - écrasant de son inhumanité paroxystique une généreuse civilisation tout orientée vers le progrès de l’humanité... Mais Auschwitz en tant qu’aboutissement exemplaire de cette civilisation, lorsqu’elle nourrit en son sein une négativité qui l’inverse irrésistiblement en son contraire. Irrésistiblement, dans l’exacte mesure où cette civilisation et l’oeuvre éducative qui en assure la propagande ver/tueuse imposent de ne les penser que comme pure positivité, et par tous les moyens techniques et scientifiques disponibles, y compris, aujourd’hui, neuro-psycho-socio-linguistiques. Car il en va ainsi, de la “barbarie douce”, dans l’école et l’entreprise, comme nous en alertent depuis plusieurs années Jean-Pierre Le Goff et quelques autres (2).

La mesusah de la maison vide

Dans les années 80, il m’est apparu, de manière de plus en plus incontournable, que la question de “l’éducation populaire” et de ses méthodes pédagogiques ne pouvait plus être envisagée sans être subordonnée à cette autre question : “quelle action culturelle, éducative, politique, après les camps et l’extermination?”. Cette interrogation s’était imposée progressivement à moi au gré d’une évolution marquée de différents événements.
D’abord, un souvenir insistant de ma petite enfance. Ce minuscule rouleau de parchemin recouvert d’une écriture serrée et mystérieuse découvert par ma mère dans l’encoignure d’une porte de la maison où elle avait été relogée à la fin 1940, mon père étant prisonnier quelque part en Allemagne. Ma mère rentrait de “l’exode” qui l’avait menée, enceinte jusqu’aux yeux, avec mes deux soeurs, du Luxembourg belge à cette petite sous-préfecture du Limousin où je devais naître bientôt.


Dès mes premières questions d’enfant relatives à ce minuscule rouleau de mystère (3) étonnamment rebelle aux doigts qui cherchaient à le dérouler, on me donna comme explication qu’il s’agissait sans doute d’une prière oubliée là par les Juifs qui auraient occupé la maison avant guerre et dont on avait perdu la trace... Sauf celle-là, justement : ce fragment d’écriture, muette d’être illisible, signe étrange d’un monde absent, énigme mille fois revisitée par le gamin que j’étais, sans que personne puisse jamais m’aider à comprendre vraiment ce qu’il faisait là et ce que nous faisions là, dans ce lieu étonnamment libéré de ceux qui nous y avaient précédés...
Plus tard, ce fut la rencontre de l’amie juive de mes trente ans, Thérèse la Bruxelloise, dont la totalité de la famille restée en Pologne avait été assassinée dans les camps. Ce qui m’amena notamment à ne plus jamais confondre, de manière imbécile, camps de concentration et camps d’extermination.
En 1973, j’ai eu l’occasion de me rendre à Auschwitz. Je participais alors à un voyage d’étude sur “l’éducation populaire” telle qu’elle s’organisait, à l’époque, en Pologne. Il avait fallu ruser très tôt avec nos guides pour gagner quelque liberté et tromper leur prévenance afin de rejoindre ces opposants qui attendaient, dans la banlieue de Varsovie, des informations et des documents rassemblés à Louvain.
A Auschwitz, j’ai été triplement heurté, puis mis en colère, par les conditions dans lesquelles s’est effectuée la visite du camp qui avait été organisée pour l’édification de notre petite délégation vertueuse de militants d’éducation populaire.
Dans le discours de nos accompagnateurs et sur les plaques commémoratives, aucune évocation des Juifs. Seul, un efficace martyrologue d’innombrables victimes indifférenciées du nazisme, quoique surtout communistes et polonaises...
C’était l’automne. La nuit tombait. Il pleuvait. Les murs de briques noircies ruisselaient, poisseuses. Un décor de ruines, idéalement requis pour que notre petit groupe puisse enfin se lâcher - c’est le terme - à l’issue du parcours, dans un insupportable épanchement de pathos sordide mêlant compassion gémissante pour toutes les victimes confondues du fascisme (!) et bonne conscience car, cela allait de soi, tous, autant que nous étions, savions depuis longtemps que la barbarie était le fait de cet impérialisme et de ce capitalisme sauvages que nous réprouvions du plus profond de notre sensiblerie moraliste, pour les uns, du plus haut de notre progressisme politique, pour les autres.
Dans les heures et les jours qui ont suivi cette traversée voyeuriste et pleureuse d’Auschwitz, quand il s’est agi d’aborder, même timidement, quelques questions relatives à la nature des régimes totalitaires qui ont marqué de manière décisive le XXème siècle, toute parole risquant de mettre mal à l’aise nos hôtes polonais - nous sommes en 1973, la Pologne est toujours sous régime communiste - est brutalement parasitée et les traducteurs sont explicitement invités par les plus staliniens de notre groupe à ne pas traduire .


Marc Vignal d’abord, musicologue passé plus tard à France Culture, coordinateur du voyage d’étude, futur président du mouvement d’éducation populaire “Peuple et Culture”. Puis Henri Gobard, honorable universitaire, professeur de linguistique, qui devait donc savoir assez bien ce que parler veut dire. Ils réagissaient par la colère chaque fois que les échanges se rapprochaient de considérations politiques, philosophiques et historiques susceptibles de mettre en difficulté, selon leurs sentiments, nos interlocuteurs polonais officiels. J’ai le souvenir encore cuisant d’un incroyable psychodrame qui arrêta net un début d’échange relatif aux choix pédagogiques présidant à l’approche de la “pensée dialectique” dans le champ de l’éducation populaire en Pologne. Les responsables que nous rencontrions s’en tenaient à la vulgate des “matérialismes dialectique et historique” référée aux seuls écrits de Staline, de Lénine et d’Engels. Les staliniens de notre groupe assuraient énergiquement leur fonction : rendre impossible tout questionnement susceptible d’ouvrir la voie au débat, à la critique.
L’époque était encore au marxisme dogmatique faisant rageusement obstacle - idéologiquement, organisationnellement et universitairement - à toute étude des conditions d’émergence et de développement des régimes criminels faisant appel à des analyses susceptibles de déboucher sur une mise en relation critique du nazisme, du fascisme et du “socialisme réel”.
Nulle place donc pour les travaux des “marxistes indépendants ou non-léninistes”. Silence total sur les Cornélius Castoriadis, Pierre Legendre, Edgar Morin, Maximilien Rubel, Joseph Gabel, Maurice Merleau-Ponty, Karel Kosik, Daniel Guérin, Henri Lefèbvre, René Lourau, Anton Pannekoek, Pierre Clastre, Bruno Rizzi, Claude Lefort, Simon Leys et tant d’autres dont les analyses ont contribué largement à faire progresser la connaissance des régimes totalitaires et bureaucratiques.
Dès le début des années 1970, je faisais régulièrement la navette entre Bruxelles et Paris pour le séminaire d’Yvon Bourdet (sociologie de l’autogestion - 6ème section de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes) qui me fit découvrir certains des auteurs qui viennent d’être cités. J’ai saisi la chance qui s’offrait alors à moi de rejoindre, une à deux fois par mois, le séminaire que Lacan tenait à la fac de Droit, rue Saint Jacques, dans le programme de la même E.P.H.E. (4), “la grand-messe” diront ses détracteurs.
Avec la voix vive de Lacan et la lecture que je tentais de ses séminaires, je découvrais une autre approche de la problématique qui nous occupe ici. Les camps et l’extermination étaient éclairés à partir de la subversion freudienne qui permettait d’attaquer l’angle mort des analyses politiques développées par la plupart des marxistes pourtant non dogmatiques que je découvrais, parallèlement, au séminaire de Bourdet.
Il fallait maintenant me résoudre à l’évidence : “les assassins sont partie intégrante de l’espèce humaine” (5) et le désastre d’Auschwitz interdit - sauf à aplanir les voies qui y mènent (6) - de dissocier l’inhumain de l’humain, dans le travail de la pensée censée éclairer l’engagement du militant culturel et politique.

Au milieu des année 1960, Lacan rattache définitivement son enseignement et “la fondation de son école à l’événement Auschwitz” (7). Il y a été aidé par une de ses analysantes, Anne-Lise Stern, devenue psychanalyste après avoir été déportée à Auschwitz-Birkenau, constituant ainsi une exception dans le champ psychanalytique ; ce qui est loin de lui avoir facilité la tâche tant le refus de savoir est aussi efficace là qu’ailleurs. Depuis, elle n’a cessé de soutenir un questionnement déterminé par son expérience des camps, dans les milieux psychanalytiques les plus divers, qui l’écoutaient souvent plus poliment qu’ils s’en laissaient atteindre. Puis elle s’autorisa à poser avec force la question “quelle psychanalyse après Auschwitz?”, alors que Claude Lanzmann, avec son film “Shoah” (1985) faisait oeuvre en “s’opposant à toute jouissance de l’horreur” (8) tout en faisant savoir, à qui voulait l’entendre, que beaucoup savaient... A l’horizon de mes cinquante ans, je demandais à Anne-Lise Stern, de m’accepter en analyse, avec un incroyable argumentaire politico-pédagogique, tartiné dans une longue lettre écrite une nuit d’un seul trait... Il m’a fallu du temps pour me laisser aller à imaginer le “rire de Dieu” - merci Kundera (9) - que provoqua, j’en suis sûr maintenant, une demande d’entrée en analyse ainsi torchée...
“Quelle psychanalyse après Auschwitz ?”. C’est le tranchant de cette question d’Anne-Lise Stern qui me renvoya à mes affaires, entre autres à ma responsabilité de formateur, d’éducateur. D’éducateur, à qui revient maintenant la charge des deux interrogations majeures que je ne peux plus ni éluder ni différer, l’enchantement n’étant plus de mise. La première, assez générale : “quelle éducation après Auschwitz?”. Puis la seconde, nettement plus précise, celle que je me fatigue depuis quelque temps à tenter de la rendre incontournable à mes collègues et amis : “quel méthodes d’intervention, en “éducation populaire”, après Auschwitz?”

Oui, mais pourquoi seulement Auschwitz ?

Depuis des années, dans le petit monde éducatif et associatif que je fréquente, chaque fois que je risque mes inquiétudes et les questions auxquelles elles conduisent, il me faut expliquer encore et toujours, mais surtout m’expliquer c-à-d me justifier.
Surtout lorsqu’ils se posent avec assurance comme au fait de la problématique de l’éducation populaire, de l’éducation permanente, de la formation continue aujourd’hui, la plupart de mes interlocuteurs m’invitent sans même avoir besoin de se concerter, tellement cela va de soi pour eux, à ne pas trop insister sur Auschwitz et à réinscrire l’affaire des camps dans le douloureux catalogue des horreurs humaines dont aucune n’est à distinguer des autres tant elles ont été aussi monstrueuses les unes que les autres - donc équivalentes - tout au long du XXème siècle...

L’invitation au “travail de la mémoire” - à ne pas confondre avec le “devoir de mémoire” - provoque sans retard un tumulte mémoriel suspendant la pensée et débouchant sur la mise en concurrence des mémoires. “Si tout le monde a souffert, de quel droit les Juifs pourraient-ils invoquer, plus que d’autres, leur souffrance passée?” (10). A l’évocation d’Auschwitz - en clair de la Shoah (11) - il faut donc sans tarder rajouter Hiroshima, Verdun, Dresde, le Goulag, la Vendée, le Kosovo, la Saint Barthélemy, le Cambodge, Nagasaki, l’Arménie, Chabra, Chatila, la Kolima, les Croisades, le Rwanda, l’esclavage, la liquidation des Amérindiens, le prétendu génocide palestinien et même la peste ! Dans les milieux que je fréquente je n’ai jamais rencontré jusqu’à présent quelqu’un qui m’ait interpellé dans le sens inverse, m’invitant à passer de l’un ou l’autre point de l’énumération rapide que je viens d’évoquer, à Auschwitz, aux camps, à l’extermination, au génocide des Juifs et des Tziganes.
Permettez-moi de citer Joffre Dumazedier, premier sociologue en France à avoir étudié l’idée de “civilisation des loisirs”, Résistant passé de “l’Ecole d’Uriage” (12) à la clandestinité en 1942, président-fondateur du mouvement “Peuple et Culture”, professeur à la Sorbonne et initiateur de la démarche d’éducation populaire appelée “entraînement mental” dont j’ai souvent débattu avec lui :
“Quand on lit «L’histoire des fléaux et des calamités en France» par l’historien Delumeau, avec les barbaries en tous genres, les millions de tués par la peste, la Saint Barthélemy etc.,” constatons que “... ces horreurs ne datent pas d’hier, quelle que soit la monstruosité des six millions de juifs exterminés” (13).
Je relève la formulation : “la monstruosité de six millions de juifs exterminés”. Ce n’est pas tout fait la même chose que : “la monstruosité de l’extermination de six millions de juifs” ou “l’extermination monstrueuse de six millions de juifs”.
Chaque fois, donc, je suis invité, avec insistance, à relativiser Auschwitz, en l’alignant sur la masse indifférenciée des diverses formes de violences et de barbaries repérées dans l’histoire humaine depuis la nuit des temps...
J’ai fini par comprendre que la réflexion souvent entendue “on ne parle pas assez d’Hiroshima” (14), comme première réaction assez spontanée à l’évocation d’Auschwitz, assurait la fonction d’un “on parle trop d’Auschwitz” qui, autant laïquement que chrétiennement, n’ose se dire aussi crûment, pour l’instant... L’invitation à relativiser Auschwitz par un comparatisme insistant gommant la singularité de la Shoah poursuit le travail souterrain du négationnisme et du révisionnisme, tout en douceur. C’est là son extrême violence. Et son extrême obscénité, lorsque ce relativisme s’accompagne de grandiloquence commémorative, où les uns et les autres rivalisent d’indignation, de “devoir de mémoire” et de “plus jamais ça”, soudés dans la négation compulsionnelle de “la dimension humaine du mal” (15).

La singularité d’Auschwitz

Nulle investigation historique, ou sociologique ou philosophique ici. Je n’en n’ai pas les moyens. Ni la compétence. Et tant mieux, ainsi échapperai-je à l’obligation de distance et de retenue qu’est censé respecter tout scientifique digne de ce nom. L’établissement tatillon des concepts et de l’architecture qui les articule impliquerait une telle lenteur, une telle prudence, un tel interdit de subjectivité que je ne pourrais pas m’adresser à vous avant longtemps.
Si la part d’erreurs et d’approximations contenue dans mes propos rencontrait, de votre part, la critique qui encouragerait à pousser plus avant la (re)connaissance “de cette rupture de civilisation constituée par Auschwitz” (16), je n’aurai pas perdu mon temps. Ce temps qui nous est chichement compté...
Car les années qui passent font passer l’effacement de l’effacement, pendant que la nature achève de recouvrir les dernières traces des camps abandonnés. Une extermination à double détente, parachevée par les honnêtes tenants du relativisme évoqué plus haut et pointés par Primo Levi (6), aveugles quant au grand déblayage qu’ils assurent pour le plus grand profit des négationnistes. L’air du temps leur est favorable. Le regard posé sur un présent désiré sans passé - donc sans histoire(s) - se veut plus positif que jamais. “Positivons!” ordonne Carrefour... La pensée n’est plus qu’un segment de la division technique du travail que moralise le pathos généralisé sur lequel prospèrent des philosophes de grandes surfaces déféquant la sagesse en tête de gondole... En régime de barbarie instrumentale et nihilisme généralisé nous ne serons jamais assez odieux dans le commentaire de ce commerce !


Alors, qu’en est-il de cette supposée singularité d’Auschwitz ?

Le mal fascinant celui qui s’en émeut, je ne vous proposerai ici aucune image des charniers débordant de cadavres ni le menu détail de la bestialité des assassins. La diabolisation de ceux-ci encourageant à les imaginer hors humanité, fait en effet écran au “travail de la mémoire” que rien ne pousse “naturellement” ou “psychologiquement” à concevoir l’inhumain dans l’humain, la barbarie dans la civilisation. Certainement pas à entendre la question angoissée que Georges Steiner a tenté de nous faire partager il y a quarante ans déjà : “La demeure de la civilisation ne sut pas être un abri... Quels rapports existent entre les attitudes mentales, les habitudes psychologiques de la haute culture et les tentations d’une barbarie inhumaine?”(17). Voici une interrogation qui devrait nous atteindre, nous, qui nous préoccupons d’éducation, peut-être plus que nous nous en occupons...


Poursuivons. Voici un ensemble - non arrêté - de caractéristiques permettant de cerner, du moins me semble-t-il, la singularité d’Auschwitz (les camps, l’extermination, la Shoah). Je les énumère, étant incapable de les classer. Bien malin celui qui pourrait avancer des critères “objectifs” de classement par ordre d’importance scientifique, ou éthique, ou politique.
Ces différents éléments sont à considérer comme s’organisant, dans leur intrication serrée, en une complémentarité convergente aboutissant à un constat difficilement contournable : Auschwitz n’est jamais que très partiellement comparable aux atrocités de l’inventaire dressé de manière répétitive et insistante par les relativistes qui font obstacle à la mise en évidence de la singularité d’Auschwitz (voir plus haut).1. Le primat racial (18). Laissons parler Primo Levi. “Il est tout à fait exact que le Goulag a existé avant Auschwitz ; mais on ne peut pas oublier que les buts des deux enfers n’étaient pas les mêmes. Le premier était un massacre parmi d’autres massacres ; il ne se fondait pas sur un primat racial, il ne divisait pas l’humanité en surhommes et en sous-hommes. Le second reposait sur une idéologie imprégnée de racisme. Si elle avait prévalu, nous nous trouverions aujourd’hui dans un monde coupé en deux : «nous» les seigneurs d’un côté, et par ailleurs tous les autres à leur service ou exterminés parce que racialement inférieurs. Ce mépris de l’égalité fondamentale des droits de tous les être humains transparaît dans une foule de détails symboliques, du tatouage à Auschwitz à l’utilisation, dans les chambres à gaz précisément, du poison originairement produit pour dératiser les cales des navires.” (19)2. Un cadre doctrinal officiel : l’antisémitisme.Le IIIème Reich fait de l’antisémitisme une doctrine officielle. Il met en place, dès 1933, une politique qui, au moyen de lois visant spécifiquement les Juifs (déchéance de la citoyenneté allemande ; aryanisation des biens et des entreprise juives ; impôts spécifiques) et de pratiques racistes (concentration des Juifs dans des ghettos), visait à une destruction des Juifs d’Europe qui devint systématique avec l’adoption de «la solution finale» et la planification définitive de celle-ci à la conférence de Wannsee le 20 janvier 1942 (20).
Cet élément permettant de caractériser Auschwitz nous oblige ainsi à distinguer nettement «racisme» et «antisémitisme». Le racisme rabaisse dans l’ordre de l’humain, tandis que l’antisémitisme exclut radicalement de l’humanité (21). Le racisme concède en quelque sorte un reste d’humanité à la victime. Pas l’antisémitisme. “Le raciste rêve de dominer les sous-hommes, l’antisémite, lui, rêve d’un monde sans Juifs” (22).

3. La non-belligérance. Les Juifs de France, d’Allemagne, d’Autriche, de Belgique, de Hollande, d’Italie étaient pacifiquement “assimilés” depuis des lustres. Ils ne développaient dans l’Europe finalement contrôlée par les forces allemandes aucun communautarisme vindicatif troublant l’ordre public ou prônant l’affrontement avec les institutions de leur pays respectifs en vue d’une quelconque sécession, prise de pouvoir ou indépendance nationale. Alors que la quasi totalité des atrocités commises ces derniers siècles ont presque toujours impliqué deux parties en conflit ouvert, luttant souvent à mort, l’une contre l’autre. On ne s’est pas privé d’exterminer les opposants, les ennemis, les occupants, les adversaires, mais toujours en situation de belligérance.
Les Arméniens eux-mêmes, massacrés en grand nombre par les Turcs, se soulevèrent à deux reprises contre l’empire Ottoman : en 1894-1895 et en 1915-1916. Les Tziganes, quant à eux, n’ont jamais apparemment été tentés par l’assimilation. Actuellement encore, dans nos pays, ils revendiquent communautairement, et très légitimement, leur droit à leur singularité.4. Le crime de bureau. C-à-d la fonctionnarisation de l’extermination où le sentiment moral s’honore du souci scrupuleux de l’exécution professionnelle du travail, dans le respect pointilleux des normes administratives, des dispositifs organisationnels et de la division technique du travail ; avec, conséquemment, l’abolition du sens de la responsabilité des personnels dans le processus d’extermination puisque la distanciation assassins/assassinés ainsi obtenue protège les premiers de l’épreuve du contact direct aux seconds. Ce qui n’a pas été le cas au Rwanda ni en Arménie, par exemple.5. La réquisition systématique, parmi les condamnés à l’extermination eux-mêmes, des agents d’exécution de premier rang. Ce sont eux qui seront au contact physique direct de leurs frères et soeurs voués à la mort, dans la préparation de leur liquidation, puis dans le traitement de la masse de leurs cadavres après.6. L’absence de haine apparente, chez de nombreux bourreaux. Les personnels chargés d’encadrer l’extermination industrielle se font assez peu remarquer par une haine active à l’endroit des victimes des programmes qu’ils exécutent. Ils font leur travail en tant que bons techniciens professionnels, assumant avec efficacité les responsabilités qui leur ont été confiées. Ce sont de bons salariés, sans histoires. Des hommes ordinaires, conformistes, respectueux de leur hiérarchie, soumis aux lois et aux règles. Ternes comme l’univers de médiocrité dans lequel ils prospèrent. Soucieux de la bonne tenue de leur ménage, de la santé de leur épouse, de la scolarité de leurs enfants, du bon rangement de leurs disques préférés et de l’évolution de leur carrière.

Haïr implique qu’on doive compter avec une victime appartenant encore au genre humain. C’est d’ailleurs ce qui enrage l’antisémite. Ici, dans l’administration et l’accompagnement du processus d’équarrissage industriel, le technicien n’a pas d’état d’âme : il travaille.
Hannah Arendt a très bien cerné la banalité, la soumission, le conformisme de ces hommes particulièrement ordinaires, infiniment disponibles pour les tâches de bourreau qui leur ont été attribuées par le régime. 7. L’organisation, la planification et le suivi rationnels, dans la durée, de l’extermination industrielle. 8. La gestion rationnelle de la production de cadavres et de leur traitement, comme sources de matières premières recherchées et gisement de métaux précieux.9. L’organisation du déplacement massif des victimes, des quatre coins de l’Europe, des villages et des bourgs les plus reculés, vers leurs assassins. “Sans équivalent dans l’histoire à ce jour”. (23)10. Le financement de l’extermination (transports, personnels, administration) assuré par les victimes elles-mêmes et leurs communautés d’appartenance.11. L’effacement systématique des traces de l’extermination. En 1945, destruction de la plupart des installations et, après la guerre, poursuite de l’effacement par le travail des négationnistes et des révisionnistes. Et c’est loin d’être terminé ! Actuellement, certains Etats islamiques se caractérisent par leur négationnisme militant officiel (24).12. La couverture de l’extermination, de bout en bout, par la loi. Le pouvoir d’Etat, au nom de la loi, ordonne, planifie et encadre l’extermination de masse. Il sanctionne les personnels lorsque ceux-ci n’exécutent pas correctement leur mission. “Comme tout pervers, les nazis ont joué sur l’amour de la loi” (25)13. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la situation de guerre, malgré l’éloignement de la perspective d’une issue victorieuse pour les armées allemandes dès janvier 1943 (bataille de Stalingrad) facilite la tâche des Nazis. L’état d’exception imposé au pays se prenant à douter de sa capacité à vaincre permet aux institutions policières et militaires de porter leur contrôle du pouvoir d’Etat au maximum et d’instrumentaliser la loi sans avoir de compte à rendre à quiconque. La guerre est au service de l’extermination et non le contraire. L’état d’exception qu’elle autorise est le moyen stratégique essentiel de la réalisation du programme d’extermination (26).

L’unicité d’Auschwitz, une singularité à portée universelle...

Faisons un pas de plus. De la singularité à l’unicité. La singularité radicale qui vient d’être mise en évidence fait signe de l’unicité d’Auschwitz.
“Les annales de la barbarie regorgent de massacres, mais il n’y a pas de précédent à l’abolition totale du lien humain dans les manufactures de la mort” (27).
“La singularité du génocide juif met en lumière l’atteinte portée à cette «couche fondamentale de la relation entre les hommes» (Jürgen Habermas). C’est à cette condition que la spécificité de l’événement se démontre. L’unicité du génocide juif n’est ni un préalable d’analyse, ni synonyme d’une hiérarchie du malheur. C’est une conclusion” (28).
“La notion d’humanité a été brisée à Auschwitz, et non la seule identité ni la seule existence juive. Mais c’est le peuple juif et non un autre qui a été assassiné là. C’est pourquoi il faut enseigner, aussi, la déréliction juive. Non comme une lamentation, mais comme une leçon politique : lorsqu’un peuple n’est plus citoyen de nulle part, l’appartenance commune à l’espèce humaine (29) devient pour lui sans valeur. A l’heure de l’Etat-nation, un homme n’est plus rien par lui-même s’il n’est pas protégé par cette entité-là” (30).
Pas étonnant que nombreux sont ceux que tente le comparatisme qui permet de relativiser Auschwitz et de rejeter son unicité. La Shoah visait l’extermination des Juifs car il fallait qu’ils disparaissent de la terre, des esprits et de la mémoire. Rêve fou pour tenter de liquider, sans avoir à le résoudre, le douloureux problème, en régime monothéiste, du “partage de l’origine” (Daniel Sibony) : par élimination de ceux dont la seule existence rappelle la dette qui a été contractée envers eux et que le temps n’effacera jamais. “Le salut vient des Juifs” rappelle l’Evangile selon Saint Jean, IV, 22...
L’antisémitisme chrétien séculaire a servi de fond sur lequel s’est progressivement élaboré ce rêve d’élimination définitive, au coeur de cette Europe héritière, par la culture, au moins autant des Juifs que des Grecs. La Bible des Juifs inaugure la Bible des Chrétiens que celle-ci déclasse en “ancien testament”...
Et voilà que la Shoah inscrit dans l’histoire une dette supplémentaire, qui redouble la première, mais cette fois, en abîme : “Mais c’est le peuple juif et non un autre qui a été assassiné là...” (30) nous rappelant, ainsi, radicalement, à l’unité de l’espèce humaine, à notre universelle humanité, que rien ne protège désormais, puisqu’Auschwitz a eu lieu.
Avant Auschwitz, le pire était envisageable. Pas l’impensable. Après Auschwitz, il n’y a plus d’impensable.


Retour à la question : “quelle éducation après Auschwitz?”

L’Europe des Lumières, des humanistes et des révolutionnaires, des arts, des techniques et des sciences est aussi l’Europe qui industrialisa, au plus près de nous, la barbarie. Sa culture, ses grandes religions, son haut niveau de civilisation, son idéal éducatif n’empêchèrent pas Auschwitz.
Soixante ans plus tard, la question “quelle éducation après Auschwitz?” reste extérieure au champ éducatif. Normal, puisque l’éducation est posée comme pure positivité, sans aucun rapport avec l’impensable devenu réalité à Auschwitz.
Si nous continuons à fuir notre histoire en cultivant les cadres mentaux entretenant la méconnaissance perverse de la leçon de la Shoa, alors, dans notre civilisation de pure positivité, la réflexion continuera, comme par le passé, d’y primer la pensée. Le moralisme comportemental interdira tout déliement éthique. La critique non-critiquante laissera la formation délégitimer l’éducation. La sérialisation des individus les fondera en une société de masse toujours plus soumise et conformiste. La violence non-violente interdira de casser les évidences gonflées de pensée positive et de grandiloquence vertueuse. L’ignorance pédagogique n’en finira pas d’ânonner avec Philippe Meirieu que “l’éducation, c’est le contraire du totalitarisme” (31). Les sciences humaines fonctionnalistes ne cesseront pas de fonctionnariser leurs gestionnaires, leurs enseignants, leurs apprentis. La rationalité instrumentale cultivera la pauvreté symbolique (32). Et le discours scientifique continuera d’être célébré comme seule source de vérité (33), et donc d’autorité vraiment acceptable puisque pur énoncé cognitif libéré enfin de cette subjectivité humaine qui constituera toujours le principal obstacle au progrès de la connaissance et de l’administration objectivement rationnelle des choses.
Pas étonnant que pathos et cynisme s’accordent chaque jour davantage, dans cette société dépressivement inquiète d’elle-même, et de la violence qui, de plus en plus, lui tient lieu de lien social chaud. A défaut de tout autre où il lui faudrait abandonner un peu de cette jouissance ressentimentale qui la barbarise, pour y échapper beaucoup.
“Dans l’enseignement de la Shoa, l’essentiel du propos politique est dur, aride, et violent” (34). Nous reste donc à ramasser la question pendante et à en affronter le défi. Avec toute l’agressivité et l’inespoir dont nous sommes capables, et dont nous ne manquerons pas d’être coupables, parce qu’odieux, aux yeux de ceux qui persistent à n’en rien vouloir savoir :
“quelle éducation après Auschwitz ?”...


Education... Auschwitz...
E/ducation... Aus/witz...
EX, AUS...
Quelle proximité remarquable,
quel recouvrement spectaculaire,
quel pléonasme, faisant effet de vérité !
EXIT ! RAUS ! Un “WITZ” du plus bel effet.
“Cette syllabe “Witz” - trait d’esprit (plaisanterie, blague) - contenue dans le mot Auschwitz, a dû en faire rigoler plus d’un chez les nazis. Peut-être même faire donner la préférence à ce lieu-là, noeud ferroviaire appendu au bord de la frontière germano-polono-tchèque, pour y situer ce que l’un deux par la suite reconnaîtra comme Anus mundi.” (35).
Eduquer après Auschwitz ? C’est initier à ceci que l’humaine humanité ne peut que conduire (ducere, comme dans e/duquer) à l’Anus mundi chaque fois qu’elle maintient en dehors (ex/aus) de l’instruction basique à assurer à chacun - jeune ou adulte - la connaissance situant l’inhumain dans l’humain et non en dehors de celui-ci. Sinon, à quoi pourrait bien servir de savoir lire, écrire, calculer et cliquer, dans le vide, en attente du néant dont la Shoa fait signe, de sa singularité radicale ?

Pierre Davreux, Bordeaux, le 24 janvier 2005.
_________________
(1) Voir le dernier ouvrage de Shmuel Trigano : “Les Frontières d’Auschwitz - les ravages du devoir de mémoire”, Le Livre de poche (biblio essais), 2005, 253 pages.
(2) Jean-Pierre Le Goff : “La barbarie douce - La modernisation aveugle des entreprises et de l’école”, La Découverte, 2003, 142 pages ; “La démocratie post-totalitaire”, La Découverte, 2002, 203 pages.
(3) La tradition religieuse veut que sur le montant de la porte de chaque maison juive soit accrochée une petite boîte appelée “mesusah” dans laquelle on dépose un petit rouleau de parchemin contenant certains passages de la bible. Par cette coutume, les juifs pratiquants expriment la conscience de respecter un commandement et manifestent leur confiance dans la protection divine. Cette protection concerne en premier lieu la maison et ses habitants. En hébreu, “mesusah” signifie littéralement “montant de porte”. Une belle charge symbolique pour un utile montage menuisier.
(4) C’est à partir de cette 6ème section de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (E.P.H.E.) que s’est constituée plus tard l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (E.H.S.S.).


(5) page 23, Georges Bensoussan, “Auschwitz en héritage?”, Editions mille et une nuit, 1998, 206 pages.
(6) “Dans le monde réel, les hommes armés existent, ils construisent Auschwitz et les honnêtes et les désarmés aplanissent leur voie ; c’est pourquoi chaque Allemand, plus, chaque homme doit répondre d’Auschwitz et qu’après Auschwitz il n’est plus permis d’être sans armes.” Page 242, Primo Levi, “Le système périodique”, Le livre de poche n°3229, 2001, 253 pages,
(7) page 410, Elisabeth Roudinesco, “Jacques Lacan - esquisse d’une vie, histoire d’un système de pensée”, Fayard, 1993, 723 pages.
(8) Anne-Lise Stern, “La savoir-déporté - camps, histoire, psychanalyse”, Seuil, 2004, page 248.
(9) Discours de Jérusalem : le roman et l’Europe - Milan Kundera, “L’art du Roman”, Gallimard (Folio), 1995, 198 pages.
(10) Georges Bensoussan, op. cit., pages 27-28.
(11) Shoah, écrit parfois Shoa. Mot hébreu signifiant «anéantissement». En France, depuis le film de Claude Lanzmann, il prend irréversiblement le pas sur la notion générale et imprécise de «massacres», sur le terme clinique ou technique de «génocide» (construit en 1944 par le juriste juif polonais Raphaël Lemkin) et sur celui, plus religieux, «d’holocauste». Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis ou en Israël (holocaust), ou encore en Allemagne (Endlösung, Vernichtung). Holocauste : du latin ecclésiastique d’origine grec holocaustum signifiant “brûlé tout entier” ; chez les Juifs il désigne le sacrifice religieux où la victime offerte à Dieu (le bélier) est entièrement consumée par le feu. “L’histoire seule du mot Shoah est en soi une leçon d’Histoire” (G. Bensoussan, op. cit. p. 19).
(12) Ecole nationale des cadres d’Uriage (première période : juillet 1940 - décembre 1942). Au moment de la prise de contrôle total de cette “école d’Uriage” par la Wehrmacht et la milice - Noël 1942 - ses responsables basculent dans la résistance clandestine : Joffre Dumazedier, Hubert Beuve-Méry, Pierre Dunoyer de Segonzac, Benigno Caceres, etc.. Bernard-Henri Lévy - qui semble n’avoir pas compris grand chose à ce qui s’est joué à Uriage avant ce Noël 42 puis après, dès que Vichy en a fait son école des cadres de la Milice (deuxième période : 43-44) - ne voit dans ce passage collectif à la résistance clandestine, en 1942, qu’un étonnant “paradoxe”. Cette rupture dans l’histoire d’Uriage doit sans doute heurter son entendement trop formellement classificatoire d’une complexité de situation qui lui échappe un peu, tant est grande sa précipitation post festum à dénoncer le vichysme de tous, avec juste un petit bémol, à peine désintéressé, sauvant la mise à Beuve-Méry, fondateur du journal “le Monde”... (voir les pages 49-54 de “L’idéologie française”, Bernard-Henri Lévy, Grasset, 1981, 341 pages).
A noter que c’est au moment où J. Dumazedier bascule d’Uriage à l’organisation des “équipes volantes culturelles” qui vont relier une quarantaine de maquis du Vercors jusqu’à la Libération, qu’il baptise sa démarche socio-pédagogique d’éducation populaire “l’entraînement mental”. Je tiens cette précision de lui-même. 1942, c’est également l’année de la conférence de Wannsee...

(13) Lettre de Joffre Dumazedier à Pierre Davreux, le 9 juin 1998.
(14) Lettre de Jean Remi Durand Gasselin - responsable du secteur Education populaire et Formation de “Peuple et Culture” - à Pierre Davreux, le 1 mars 1999.
(15) Georges Bensoussan, op. cit., page 23.
(16) Anne-Lise Stern, op. cit. page 256.
(17) George Steiner, “Langage et silence”, traduction de Lucienne Lotringer, Editions du Seuil, 1969.
(18) Primat (philo) : caractère premier dans l’ordre de la valeur.
(19) Revue “Passages”, n°52, décembre 1992. Cette citation est extraite du dernier texte de P. Levi paru dans “La Stampa” du 22 janvier 1987 sous le titre “le trou noir d’Auschwitz”. Quelques semaines plus tard, Primo Levi se suicidait, le 11 avril.
(20) Le 20 janvier 1942, Hitler convoque la conférence dite de Wannsee (riche banlieue de Berlin). Y sont réunis les plus hauts dignitaires du régime. Ils vont, non pas y décider le génocide des Juifs mais l’organiser et le planifier de manière décisive, car la liquidation de onze millions de personnes pose, au dire de Himmler, un certain nombre de problèmes techniques et organisationnels auxquels se heurtent les unités (Einsatzgruppen) qui ont déjà commencé, directement, sur le terrain (Pologne, URSS...), à exécuter la décision, à grande échelle, dès juin 1941.
Le protocole final de Wannsee, signé Heydrich, stipule : “L’émigration a désormais cédé la place à une autre possibilité de solution : l’évacuation des Juifs vers l’Est, solution adoptée avec l’accord du Führer... La solution finale du problème juif en Europe devra être appliquée à environ onze millions de personnes... Le résidu qui subsistera en fin de compte devra être traité en conséquence... En vue de la généralisation pratique de la solution finale, l’Europe sera balayée d’ouest en est...”(G. Bensoussan, op. cit. pages 165-166).
(21) Georges Bensoussan, op. cit., page 58.
(22) Georges Bensoussan, op. cit., page 62.
(23) Georges Bensoussan, op. cit., page 155.
(24) Discours de Simone Veil, le 18 octobre 2002, devant l’Hémicycle du Conseil de l’Europe à Strasbourg : “Quel enseignement de la Shoah au XXIème siècle?”
(25) page 80, Daniel Sibony, “Don de soi ou partage de soi?”, Editions Odile Jacob, 2000, 280 pages.

(26) Suivre de près les recherches actuelles du philosophe italien Giorgio Agamben sur la problématique de l’état d’exception ; nous devons également à cet auteur l’essai “Ce qui reste d’Auschwitz”, Bibliothèque Rivages, 1999, 235 pages.
(27) page 31, Alain Finkielkraut, “Une voix vient de l’autre rive”, Gallimard, 2000, 147 pages.
(28) Georges Bensoussan, op. cit., page 60.
(29) Lire “L’espèce humaine” de Robert Antelme, Gallimard, Collection Tel, réédition de 1997, 307 pages.
(30) Georges Bensoussan, op. cit., pages 69-70.
(31) Philippe Meirieu et Marc Guiraud, “L’école ou la guerre civile”, Plon, 1997, page 66. Pour information, Philippe Meirieu - Directeur de l’I.U.F.M. de l’Académie de Lyon - vient de préfacer le dernier brouet sur la démarche d’éducation populaire dite “entraînement mental», en pleine méconnaissance de l’actuelle réalité de celui-ci. Nous nous sommes écrits tout récemment à ce sujet. Il reconnaît, mais un peu tard, son manque total d’information depuis plusieurs décennies : “J’ignorais totalement ce que vous dites et ne connaissais Peuple et Culture qu’à travers l’histoire des «grands anciens» (lettre du 17 mai 2004). Une préface bien légère pour un livre de plomb : “Penser avec l’entraînement mental - agir dans la complexité”, ouvrage collectif - Peuple et Culture, Editions Chronique Sociale, 2003, 246 pages. Ce document tourne résolument le dos au questionnement engagé ici, bien que ses principaux auteurs en soient clairement informés.
L’Université et les appareils associatifs contrôlant l’essentiel du champ de «l’éducation populaire» font en général bon ménage lorsqu’il s’agit d’étouffer toute voix discordante. Sur l’actuel marché de l’éducation, de la formation continue et du traitement social du chômage, la première valide les seconds qui lui renvoient l’ascenseur chargé de clientèles lisses, honnêtement pré-formatées. Dans le monde incertain où nous vivons, une “gestion” saine et pacifiée des institutions l’exige, très pragmatiquement...
(32) Lire le texte de la conférence donnée par Charlotte Herfray en mai 1997 à “Espaces Dialogues”, Maison des Associations, Place des Orphelins 67000 Strasbourg : “Vous avez dit Education Populaire ? - La pauvreté symbolique”, 25 pages.
(33) Jean-Pierre Lebrun, “Un monde sans limite - essai pour une clinique psychanalytique du social”, éditions érès, 1997, 248 pages.
(34) Georges Bensoussan, op. cit., page 150.
(35) Anne-Lise Stern, in “Les Temps modernes” n°509 - décembre 1988, pages 32 et 33.

 


Renaud Davreux - 2012